un matin pas comme les autres

le 1er mai est un jour de vide grenier, pas pour exposer mais pour aller dans les allées pleines de trésors, de chiffons, de vieilleries, d'assiettes ébréchées, de vélos parfois rouillés, de vieux objets en plastique délavé. En fait c'est le jour d'un célèbre vide grenier d'une commune voisine que je ne loupe quasiment jamais.

Cette année, je ne cherche rien de particulier comme souvent, j'ai juste envie de me laisser guider par mon instinct et mes envies. Il y a de plus en plus de stands qui étalent de petits vêtements parfois très choux et souvent très peu portés par les enfants de 0 à 3 ans mais dont je m'éloigne de plus en plus au fur et à mesure des centimètres que prennent mes enfants. Je déambule, trouve une boite à œuf en plastique jaune, idéal pour les achats en vrac, un jeu de "Bonne Paye" de poche et quelques livres pour enfants que je mettrai dans leur valise cet été par surprise, et un autre petit jeu de poche en bois.

Je suis sur le départ, je passe dans une allée déjà traversée et je vois deux femmes penchées sur une bannette ayant sortie une nappe brodée et en demandant le prix. Je m'arrête, la vendeuse me regarde et je lui dit que je suis intéressée également par le contenu de la bannette. Les deux femmes s'en vont (avec ou sans la nappe, je ne fais pas attention) et la vendeuse me dit "allez-y, fouillez, servez-vous...". Je plonge dans ce mélange de linge de coton et de lin, ces dentelles qui ornent les contours de napperons, ces fils de couleurs qui brodent les nappes. Un trésor, je nage dans le bonheur, je soulève un linge pour en apercevoir un autre et encore un autre, Oh et celui-là! Et ça aussi! J'entends soudain au-dessus de ma tête la dame me dire "allez-y hein, je vois que vous aimez ça". Je prend appuie sur le bord de la bannette pour en ressortit la tête. ;) . Et je veux savoir d'où viennent ces linges de maisons. Elle me dit que c'était à sa mère, qu'elle les brodait ou les achetait. Au fil de mes questions j'apprend qu'elle s'appelle Chantal, qu'elle est décédée l'an dernier d'un cancer trop tôt, trop jeune et que sa fille vient d'emménager dans la maison de sa maman dans le village. Je suis partagée entre le bonheur de trouver ça, la reconnaissance pour cette dame de ma raconter l'histoire et émue de savoir que cette femme me propose de tout prendre pour une bouchée de pain car comme elle me dit "je sens qu'ils seront dans de très bonnes mains, que vous allez en faire de jolies choses, ça me fait plaisir que cela parte avec vous". Je sens un truc à l'intérieur qui m'envahit, elle me demande si elle peut m'embrasser et essuie ses yeux. Je suis tellement émue, pleine d'un quelque chose... mais je ne sais pas comment le nommer.

Je repars avec ce trésor en lui ayant promis de lui envoyer des photos de ce que j'en aurais fait et en lui proposant de lui offrir un coussin ou un accessoire fait à partir d'un de ces linges.

Depuis, il m'arrive régulièrement de sortir les linges de leur sac et d'imaginer ce que je vais en faire. J'aime cette étape, je ne suis pas pressée car les idées vont et viennent et s'affinent surtout pour ceux que je trouve les plus beaux et dont je ne veux pas rater leur reconversion.

Merci Laurence, merci à toi Chantal qui a dû passer du temps et, ça se voit, du plaisir à broder ces tissus. J'espère être à la hauteur de votre petit trésor...